Source: France Info
Son rôle: faire de la prévention et de la sensibilisation dans les villages pour lutter contre les violences domestiques et libérer la parole.
Beaucoup de femmes dans les campagnes au Mozambique n’osent pas porter plainte quand elles subissent des violences. Pour y remédier, l’association Lemusica soutient une brigade de police locale féminine dédiée à la prévention et à la sensibilisation aux violences domestiques et sexuelles.
Selon l’ONU, qui classe le Mozambique à la 127e place sur l’index des inégalités hommes-femmes, près de la moitié des jeunes filles sont mariées avant leur majorité. Et 22% sont victimes de violences, dont beaucoup au domicile conjugal. Selon l’UNICEF, trois quarts des Mozambicains font appel à des tribunaux populaires, notamment pour régler les affaires de violences sexuelles.
Si officiellement beaucoup de ces violences sont punies par la loi depuis 2009, son application se heurte à des résistances dans les campagnes. Les autorités locales sont peu formées pour ce genre de litiges. Et beaucoup de femmes n’osent pas porter plainte.
Dans un village d’une zone rurale proche de Manica, au centre-ouest du pays, les violences empoisonnent le quotidien des femmes. Une jeune fille raconte avoir été mariée de force à 15 ans: “Mon mari me battait, mais ma mère m’a dit de rester.” Elle a pu partir quand son mari s’est finalement retrouvé en prison.
Dans cette région, une brigade de police exclusivement féminine, créée à l’origine pour pouvoir fouiller et interpeller des femmes, a été reconvertie depuis 2011 en unité de lutte contre les violences fondées sur le genre. Aidée financièrement par l’association Lemusica, acronyme de “Levez-vous femmes et continuez votre chemin”, cette brigade a pour mission d’arrêter les agresseurs en attendant l’arrivée des policiers de la ville située à une bonne heure de piste cabossée. La force est rarement employée, la plupart des conflits se règlent par la parole. La priorité est d’éduquer et d’assister les femmes plutôt que de pourchasser leurs bourreaux.
“Avant, il y avait beaucoup de réticences de la part des hommes. Mais après dix ans, à force de parler, sensibiliser, la violence a baissé”, déclare une membre de cette brigade. Dans le village, une geôle improvisée et une pièce où les victimes peuvent recevoir des soins et témoigner à l’abri des regards et des représailles, ont été aménagées. A la campagne, le silence est la règle et les femmes violentées trouvent généralement peu de soutien au sein de leurs familles.
Pour sensibiliser les villageois, l’association Lemusica proposent aussi de rejouer comme au théâtre des scènes de ces violences quotidiennes. Aujourd’hui, les spectateurs assistent à un jeu de rôle où un mari en colère agrippe sa femme. Les insultes fusent mais alors qu’il lève le poing, deux policières l’interceptent. Il se débat et crie, mais il est finalement plaqué à terre où ses gesticulations n’y font rien. Il reçoit alors une volée de coups de bâton sous les vivats de l’assistance. Si cet exercice fait rire, il permet plus facilement de briser le silence et faire passer un message.
Dans la réalité, cette situation envers les femmes est “le résultat d’un système patriarcal qui nous éduque dans l’idée que les femmes n’ont rien à dire, aucun pouvoir de décision et qu’elles ne font rien d’important,” dénonce Achia Anaiva, présidente de Lemusica.
A Chimoio, la capitale de la province de Manica, l’organisation qui recueille des enfants et des adolescentes met l’accent sur l’éducation et l’émancipation, pratiquement impossibles au village car le dialogue est ardu et l’autorité des chefs traditionnels reste incontournable, explique Mme Anaiva.