Source : Agence Française de Développement
Elles investissent la salle. Gérée dans le quartier de Kariobangi, à Eastlands, par une vingtaine de femmes enseignées au sport, l'association Boxgirls Kenya travaille avec douze écoles communautaires – des privées à bas coût – de Nairobi et quatre autres dans l'ouest du pays. Chaque semaine après les cours, ou le samedi matin, les filles volontaires s'attardent dans la salle polyvalente de leur école pour y retrouver une entraîneuse de boxe.
La réussite de l'association se révèle notamment par le nombre de ses membres : à ce jour Boxgirls Kenya compte 628 membres actifs. En 2020, l'association était soutenue à hauteur de 30 000 euros par le fonds Sport en commun cofinancé par l'Agence française de développement (AFD) et la FIFA.
Derrière ces femmes, un homme, Analo Anjere. Le fondateur de Boxgirls Kenya est le seul homme du groupe. Cet entraîneur s'évertue, depuis sa jeunesse dans le quartier de Kariobangi à Eastlands, à casser les clichés négatifs du noble art : violence et chasse gardée masculine. Il se souvient régulièrement des femmes qui observent ses entraînements, à suivre elles aussi des cours.
Mais au-delà, la boxe est devenue pour lui un moyen de rendre service à la société. En 2007, le Kenya est touché par une vague inédite de violences post-électorales. Eastlands et ses quartiers défavorisés sont durement touchés, les filles et les femmes en particulier sont les premières victimes. C'est ce qui a décidé Analo, l'année suivante, à « créer un monde où chaque fille crée ses propres opportunités, où elle est reconnue comme un partenaire égal, où elle est en contrôle de sa vie. » En 2008 naît donc l'association Boxgirls Kenya.
Ce « mouvement » , comme l'appelle Analo Anjere, est un projet de long terme ayant pour but de permettre aux filles et aux femmes du quartier de développer la confiance en soi, de se défendre, de faire face aux situations de violence… Il s'agit aussi d'instaurer une boxe féminine jusque-là inexistante dans le pays. L'association veut aussi sensibiliser les enfants et les parents à l'égalité femmes-hommes .
Dans le quartier de Baba Dogo, Stacey Ayoma et Cynthia Nandwa retrouvent l'un des groupes de filles pour une séance dont le thème est : se fixer des objectifs. Après un court échauffement mené par les deux entraîneuses, Cynthia commence par interroger les jeunes boxeuses sur ce qu'est un objectif. Sur suggestion des élèves, le thème initial est celui d'une distribution fictive de nourriture dans le quartier. S'ensuivent des questions-réponses : quelle nourriture ? Combien de personnes ? Quels moyens ? Ces échanges a priori sans rapport avec le sport permettent en réalité aux jeunes filles de théoriser la boîte : les objectifs, ce sont les coups de poing. Les directs, les droites, les uppercuts.
Ensuite les jeunes filles se placent en cercle autour de Stacey qui rappelle les fondamentaux : on serre les poings en protégeant le pouce, on encadre le visage avec les poings pour le protéger, les bras sont tendus à l'impact… Encore et encore, jusqu 'à maîtriser les mouvements. Puis vient la séance d'entraînement personnalisée pour Ruth, 14 ans, et Faith, 12 ans, qui suit les consignes avec détermination.
Boxgirls Kenya participe aussi à des projets visant à faire entendre la voix des jeunes filles du quartier. Ainsi, chaque année, des représentantes sont élues dans chaque école.Elles suivent une formation grâce à l'association pour ensuite s'exprimer et mettre en place des actions afin d'améliorer le pouvoir de la condition des filles, à l'école, dans la rue et à la maison.
Alliés et non ennemis, les hommes ne sont pas oubliés, ils sont partie prenante du projet. Dernièrement, un programme nouveau a été mis en place : des sessions dédiées aux garçons – 400 à ce jour – où l'on discute des rôles attribués aux genres. La séance se termine évidemment par un cours de boxe, dispensé… par une femme.