Source : UNFPA
NATIONS UNIES, New York – Au cours d’une année qui a vu une avalanche mondiale de vagues de chaleur, d’incendies, d’inondations et de sécheresses catastrophiques, le dernier rapport d’évaluation du Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat, publié la semaine dernière, est indéniablement une mise en garde. Le rapport, élaboré par 234 auteurs et autrices de 66 pays, et qui contient 14 000 références, annonce des événements météorologiques extrêmes plus fréquents et plus graves, dont on peut attribuer la responsabilité aux comportements humains.
Personne n’échappe aux conséquences désastreuses du changement climatique, et le nombre de personnes ayant besoin d’aide humanitaire pourrait ainsi doubler d’ici 2030. (Selon les données du Bureau de la coordination des affaires humanitaires, 235 millions de personnes ont eu ou auront besoin d’aide cette année). Il ne s’agit pas de faire un classement de celles et ceux qui souffrent le plus des violentes réponses naturelles aux agressions des êtres humains. Cependant, les groupes marginalisés et vulnérables comme les femmes (qui constituent la majorité des populations pauvres et dont la subsistance dépend notamment des ressources naturelles) sont exposés à des fléaux particuliers. Selon le PNUD, les femmes et les enfants ont 14 fois plus de chance que les hommes de mourir en cas de catastrophe naturelle.
Ci-dessous, vous trouverez cinq façons dont les changements climatiques pèsent sur les femmes et les filles. Ils peuvent :
Les femmes et les filles, qui portent majoritairement la responsabilité de la collecte de l’eau et du ramassage du bois pour le feu, doivent parcourir de plus grandes distances dans leur recherche de ces ressources rares. Lorsque les populations se voient déplacées à cause des changements climatiques (comme la sécheresse en Somalie et en Angola), les femmes et les filles sont plus susceptibles de subir des violences basées sur le genre dans les camps de personnes déplacées ou réfugiées. Là encore, en cherchant de quoi entretenir leur foyer, elles parcourent des lieux inconnus, ce qui renforce leur vulnérabilité.
L’UNFPA a constaté que la traite et l’exploitation sexuelle ont augmenté après les cyclones et les typhons dans la région Asie-Pacifique. C’est aussi le cas des violences au sein du couple pendant la sécheresse en Afrique de l’Ouest, les tempêtes tropicales en Amérique latine et d’autres événements météorologiques extrêmes dans la région des États Arabes.
Selon le PNUD, les taux de violence conjugale, d’abus sexuels et de mutilations génitales féminines ont également augmenté sur les longues périodes de sécheresse qu’a connues l’Ouganda. Les violences faites aux femmes se sont accrues au Pakistan après des inondations et au Bangladesh après des cyclones. Les pays développés ne font pas exception à ce phénomène.
Les conditions météorologiques extrêmes détruisent les moyens de subsistance et exacerbent la pauvreté. Cela peut pousser les familles à marier leurs filles jeunes pour avoir une bouche de moins à nourrir, obtenir en échange le « prix de la mariée », ou bien parce qu’elles sont convaincues que cela améliorera la vie de leur enfant. Quelle que soit la raison derrière ce choix, des augmentations des mariages précoces ont été constatées dans des pays affectés par des crises climatiques comme le Malawi, l’Inde, les Philippines, l’Indonésie, la République démocratique populaire lao, et le Mozambique, entre autres.
Des recherches indiquent que « l’augmentation de la température d’un degré Celsius la semaine précédant l’accouchement est corrélée à une augmentation de 6 % de la mortinatalité pendant la saison chaude (mai à septembre), ce qui se traduit par environ 4 enfants mort-nés supplémentaires pour 10 000 naissances. » Ces études doivent encore être approfondies, mais les données suggèrent un lien de causalité entre des chaleurs extrêmes et les issues négatives des grossesses.
Ainsi, les maladies à transmission vectorielle comme la malaria et a dengue ont été reliées à des fausses couches, des naissances prématurées et des cas d’anémie. La hausse des températures rallonge les saisons d’activité des moustiques, qui propagent ces maladies, et les environnements humides facilitent leur prolifération. Les changements climatiques peuvent aussi élargir la propagation de telles maladies, comme celle due au virus Zika, qui peut provoquer de graves malformations congénitales comme la microcéphalie (une tête très petite à cause d’une anomalie du cerveau).
Comme l’a montré la pandémie de COVID-19, les urgences provoquent la réallocation des ressources de santé à la lutte contre la dernière menace en date, pénalisant ainsi des services jugés moins essentiels. Les urgences dues aux changements climatiques vont devenir plus fréquentes, ce qui risque de faire des services liés aux droits et à la santé sexuelle et procréative les premiers à connaître des freins.
Même si ces services se maintiennent, les femmes et les filles déplacées n’y ont souvent plus accès, ce qui peut provoquer un plus grand nombre de grossesses non planifiées et de cas d’infections sexuellement transmissibles. Cet accès peut aussi être perturbé par d’autres phénomènes, comme lorsque le cyclone Idai a frappé le Malawi en 2019. « De nombreuses zones du district de Mangochi ont été englouties par les eaux », raconte Treazer Masauli, assistant senior de surveillance sanitaire. « Nous avons dû avoir recours à un hélicoptère pour rejoindre les zones qui n’étaient pas accessibles par la route, pour proposer des services de santé sexuelle et reproductive, comme la distribution de préservatifs, que ce soit pour la planification familiale ou la prévention du VIH et des IST, ainsi que des services d’éducation par les pairs ou destinés aux personnes atteintes du VIH. »
Au Mozambique, plus de 20 000 femmes en âge de procréer ont risqué des grossesses non désirées lorsqu’elles ont perdu leur accès à la contraception après le cyclone Éloïse en janvier dernier. Lorsque les ouragans Eta et Iota ont frappé le Honduras en 2020, on estime que 180 000 femmes en âge de procréer n’ont plus eu accès à la planification familiale.
Les mauvaises récoltes dues aux changements climatiques peuvent aussi avoir un impact sur la santé sexuelle et reproductive. Une étude a constaté qu’après des chocs tels que l’insécurité alimentaire, les femmes de Tanzanie travaillant dans le domaine agricole avaient recours à des relations sexuelles tarifées pour survivre, ce qui a mené à l’augmentation des taux d’infection par le VIH/SIDA.
Le monde entier doit reconnaître les droits et la santé sexuelle et procréative comme relevant de la problématique climatique, et la nécessité d’inclure les femmes dans les décisions politiques relatives au climat. Lorsque c’est le cas, on constate que la planète ne s’en porte que mieux au niveau de l’empreinte carbone, qui est plus faible, et des espaces protégés, qui sont plus vastes. Et si la planète se porte mieux, tous les individus se portent mieux.